Eddard était resté silencieux durant tout le trajet.
Il ne savait que dire et même s’il avait su, le jeune homme n’était même pas sûr qu’il aurait été capable de prendre la parole. Lui qui n’était déjà pas spécialement loquace, la situation dans laquelle ils se trouvaient n’incitait pas au bavardage.

Il préférait largement réfléchir à ce qu’il pourrait bien lui dire. Comment et par où commencer. Ce qu’il serait judicieux de dire et ce qui au contraire, ne le serait pas. Ou encore, si lui révéler la vérité était finalement une bonne idée. Peut-être qu’Eddard aurait dû passer son chemin, ignorer cette ressemblance troublante et mener sa vie comme il l’a toujours fait.

Sauf qu’il était bien trop tard pour regretter. À part si le jeune Noctem choisissait de quitter la demeure de son hôte, mais avouons que ça ne serait pas très correct. Voir même pas du tout. Même si au fond, Eddard en était parfaitement capable.

Enfin.

Quoiqu’elle puisse faire ou lui dire, Eddard n’arrivait tout simplement pas à « faire comme chez lui ». Une phrase d’ailleurs bien ironique étant donné qu’il n’avait pas de chez lui. Et il avait pris le temps de considérer la maison avant de finalement prendre place sur le canapé et soupirer longuement. Si on lui avait dit que ça se passerait ainsi, il n’y aurait jamais cru.

« Merci. » Alors qu’il ne posa pas un seul doigt sur la tasse qu’elle lui avait si gentiment apportée. Disons qu’il n’avait pas spécialement soif pour le moment. Et qu’il s’apprêtait plutôt à révéler des choses difficiles à avaler à une femme qu’il venait à peine de rencontrer.

« J’imagine que vous devez avoir beaucoup de questions. » Qui n’en aurait pas à sa place ? Eddard se mit à la fixer avec insistance, même s’il ne croisera sans doute pas son regard avant un moment. « Mais il est encore temps d’arrêter. Je peux encore m’en aller avant de dire quoique ce soit. Et il suffira de prétendre que nous ne nous sommes jamais rencontrés. » Et dans ce cas-là, il serait bien difficile pour lui de remettre les pieds à la capital. Ce serait bien trop étrange de la croiser à nouveau et l’ignorer après l’échange qu’ils venaient d’avoir.

Effectivement, il savait tout.
Il le clamerait haut et fort s’il le fallait. Mais il s’agissait justement de l’une des raisons pour lesquelles il était difficile de lui faire confiance. Eddard était un parfait inconnu. Un nomade, un homme de passage. Le genre de personne capable de disparaître complètement du jour au lendemain. Le genre de personne à qui il serait peu judicieux d’accorder sa confiance.

Il savait tout, elle ne savait rien.
Eddard pouvait lui dire ce qu’il souhaitait sans que cette dernière ne puisse réellement savoir s’il s’agissait de la vérité ou non. Et sans doute l’aurait-il fait s’il avait été une personne mal attentionnée. Ou s’il avait eu besoin de se rapprocher d’elle pour une quelconque raison. « Oh ça… » Sans doute l’une des parties les plus difficiles à croire. Le jeune homme se penche pour attraper la tasse, mais s’abstient d’en prendre une goûte. « Vous étiez dans un sale état, Rhéa. Je pourrais presque dire que vous étiez à moitié morte. » Aussi dures que puissent être ses paroles, Eddard préférait être honnête.

« Vous étiez sur le point de mourir, mais mon père avait d’autres plans pour vous. » Encore aujourd’hui, il se demandait si son géniteur avait fait ça pour elle ou simplement pour ses ambitions égoïstes. Une question de plus qui demeurera sans réponse. « Et c’est à l’hôpital que je vous aie vu pour la première fois. » Inutile de préciser que cette vision marqua profondément le bambin qu’il était à cette époque.

« Mon père était un scientifique plutôt ambitieux. » Certains le qualifieraient même de savant fou. Il l'était sûrement, dans un sens. Pour être capable de jouer ainsi avec une vie humaine. « Tellement qu’il pensait pouvoir vous sauver grâce à une opération disons… Bien spéciale. » Eddard soupire, ferme ses paupières un instant. Il ne sait pas, il ne sait plus. Si c’est une bonne ou mauvaise idée de lui dire. S’il avait bien fait de lui raconter tout cela. Si ça avait été une chance de la rencontrer aujourd’hui. « Souhaitez-vous que je continue ? »

Quelle que soit sa réponse, il la respectera.