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« Robe blanche. » scanna Cam en vibrant légèrement. Izhelindë se sent stupide de le surnommer ainsi, de l'humaniser alors que ce n'est rien de plus qu'un outil. Mais il lui est indispensable. La jeune femme se penche, ses doigts frôlent le sol jusqu'à ce qu'elle trouve sa robe. Par terre. C'est là qu'elle jette désormais. Elle ne voit plus les objets, mais si elle marche dessus, elle peut les sentir. C'est plus pratique ainsi.
« Cam. Trajet : temple. » Son poignet vibre encore, le temps que Cam calcule l'itinéraire. « Temple d'Okeanos. Trajet : 30min à pied. 10 en... » Izhelindë l'interromps brusquement « Nous partons maintenant dans ce cas. Début de l'itinéraire. » 
Chaque trajet est une épreuve pour elle, rendue moins difficile par Cam. Mais tout de même. Elle maudit ces ténèbres à laquelle elle est condamnée. Pourquoi va t-elle au temple ? Elle-même l'ignore à vrai dire. Elle est sûre qu'elle peut se trouver tout un tas d'occupation, écouter un livre, voir les nouvelles découvertes et avancées, se renseigner. Elle le faisait chaque jour, sans jamais sortir. Le temple. Les gens y allait pour tout un tas de raison. La plupart du temps pour réfléchir, prier.
Mais Izhelindë n'a jamais eu besoin d'aller là-bas pour être en paix. Et pourtant elle y va aujourd'hui. Parce qu'elle a besoin d'y aller. C'est un besoin impérieux, qui l'avait saisi. Le Temple avait toujours été un endroit magnifique, qu'elle avait étudié comme tout bon archéologue se devait de faire. C'était en voyant toutes les traces laissées par les Siècles Abandonnés, ces traces que l'ont fait rêvées, qu'elle a trouvé un but dans sa vie : chercher. Pour résoudre ce mystère qui planait. Izhelindë a toujours su qu'elle ne trouverait jamais, mais elle voulait juste trouver quelque chose pour avancer. 
Cam déclare de sa voix robotique qu'elle est arrivée. Izhelindë lui fait confiance, elle n'a pas le choix. Distraite, elle écoute ses indications -celles qui lui indiquent la porte-, elle s'est pris trop de fois des murs et n'avait guère plus l'intention de s'humilier. 
Elle franchit la porte. Elle ne voit plus rien, mais elle n'a besoin de voir pour sentir toute la puissance qui se dégage de ce lieu. 
Guidée par Cam, elle trouve un coin tranquille, elle ne sait pas trop où, et l'espace de quelques minutes elle reste là, sans rien faire, n'osant rien penser. Cela fait des années qu'elle n'est pas venue dans ce lieu. Un éclat de voix interrompt brusquement le cours de ses pensées, elle sursaute, son cœur se met à battre la chamade. Cela résonne beaucoup trop ici. La jeune femme s'approche néanmoins, déterminée à passer un savon à celui qui a osé briser le silence de ce lieu sacré. C'est dur, en étant aveugle, et elle a presque peur de devoir le faire. Le temps qu'elle arrive, elle perçoit une autre voix, qu'elle ne connaît pas non plus, mais qu'elle pense être celle du gardien, l'homme interpellé. Cam vibre « Premier individu : homme, 186 cm, âge : entre vingt-cinq et trente ans. Deuxième individu : homme, 178 cm, âge : 28 ans. Identification : Cain Von Heimdall, Gardien du Temple. » déclara la voix robotique. Izhelindë prend une profonde inspiration. L'un des deux est donc le Gardien du Temple, elle doit se sentir rassurée, et pourtant, son cœur continue de battre, elle ne voit pas leurs visages, ne verra pas leur réaction, mais c'est d'une voix à la fois douce et ferme qu'elle lance « Est-ce qu'il serait possible d'avoir la paix ici? »

« On discute, tu peux pas voir ça ? » fait l'un des hommes, l'inconnu avant qu'elle ne sente comme un flottement, et qu'elle entende son prénom. Elle se fige alors, le cœur qui commence à battre la chamade, si fort qu'il lui semble presque qu'ils sont capables de l'entendre. Cette voix. Elle ne s'en souvient que si peu, mais aucun homme ne l'appelait par son prénom ainsi. Tout ceux qui l'avaient un jour appeler Izhelindë, ses collègues, étaient morts. Et elle était là. Le souffle court, Izhelindë cherche à se calmer, avant de finalement répondre d'une voix qu'elle espère ne pas être trop troublée « Non. Non justement, je ne peux pas voir. » Voilà, tout est dit. Elle ne peut pas voir. Heureusement en un sens, qu'elle ne le voit pas. Son visage est flou dans sa mémoire, elle se rappelle seulement de ses cheveux bleus, que leur enfant a hérité. Comment la regarde t-il en ce moment ? Avec surprise ? Mépris ? Sait-il ? Izhelindë ne bouge pas, c'est à peine si elle ose respirer. Les pensées se bousculent dans sa tête. Elle se retourne vers la direction de l'autre, du Gardien, celui qui a lâché quelque chose avant d'être coupé. Il s'excuse. Parfait. Au fond, Izhelindë s'en fiche du calme, elle est peut-être venue ici pour le trouver elle sait qu'au fond, il n'est qu'illusion. Jamais elle ne sera calme, jamais elle ne sera en paix. Il y aura toujours des souvenirs, des pensées qui reviendront la torturer. Le Gardien du Temple prononce le nom de sa mère. La jeune femme se fige un bref instant. Elle ne peut pas le voir mais sa voix semble, pressante ? « Elizabeth est bien le prénom de ma mère. » réplique finalement Izhelindë, presque avec hésitation, ayant des doutes sur le nom de jeune fille de sa mère. Comment se fait-il qu'il connaisse sa mère ? Ou du moins son nom ? Ce n'est absolument pas le genre de femme à se rendre au temple, elle écumait plutôt les casinos et tous les autres bars, loin de son mari, loin de sa fille qu'elle n'aime même pas. Un boulet, voilà ce qu'Izhelindë est pour elle, surtout depuis l'accident.
D'un côté, l'intervention du Gardien est la bienvenue, elle en a presque oublié l'espace d'un moment, plongée dans ses interrogations, la présence d'Heze. Elle y repense, et son cœur se remet à battre encore plus fort. Maudit soit-elle de ne pas pouvoir se contrôler. Alors elle refixe toutes ses pensées sur le Gardien, et demande « Pourquoi? » Oui, pourquoi. Pourquoi veut-il savoir cela ? Comment connaît-il sa mère ? Etait-ce l'un de ses amis ? Un Gardien n'est pas son genre pourtant, trop pauvre, sans doute. Les sourcils d'Izhelindë se fronce tandis qu'elle recule de quelques pas avant de heurter une colonne sur laquelle elle s'appuie. Trop de pensées se bousculent dans sa tête, et elle se sent plus démunie, plus misérable que jamais. Elle veut tellement pouvoir voir à cet instant précis, mais elle ne le peut. Et une partie d'elle pense que c'est sans doute préférable.
Et presque dans une illumination elle comprend. Von Heimdall. La voix robotique de Cam lui revint en mémoire. Son cœur en prend un coup. Impossible. Elle secoue la tête, veut en avoir le coeur net, demande. « Qui êtes-vous? »