Tu pousses la porte, sortant un collier de ta poche. Cet objet te rappelle toujours qu'il y a quelque chose d'anormal, de pourri en toi mais peut-être aussi, un peu d'audace.

Tu le jettes dans le vide, fermant délicatement tes prunelles. Le temps que tu rouvres les yeux, il n'est plus là. Il a disparu par-delà l'horizon brumeux. Les nuages sont noirs, angoissants et le vent t'emplit la bouche. Tu es sur le toit de la plus haute tour de Galiea.

Tu concentres ton regard sur une bordure de la tour, puis sur un point qui pourrait symboliser une personne, un être vivant ou tu ne sais quoi d'autre. A vrai dire, tu n'as pas toute ta tête. Tu te dis que la vie t'a vaincu, qu'elle t'a terrassée, misérablement, facilement, pathétiquement. Tu ne sais pas comment tu as pu en arriver jusque là.

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Cette question se tambourine contre les parois de ta boîte crânienne et te donne la migraine.

Le vent claque contre les fenêtres et même avec tous ces bruits, tu peux encore entendre ta respiration. Il te fouette la tête, les épaules, les jambes, le torse : presque tout ton corps est touché et c'en est presque insupportable.

Ton regard commence à balayer tout ce qui est devant toi. Tout, sans exception. Tu replies les bras sur ta poitrine et tu t'efforces de ne pas pleurer, tu étais plus fort que ça. Était-ce une façon de prouver à toi-même que tu pouvais t'estimer preux ? Sûrement, vraisemblablement, probablement.

Tu te surprends à flirter avec la mort, flânant sur les bordures de la tour, les bras en l'air. Tu te croirais en train de rêver. Tu posais un pied sur cette surface éthérée, noire et tu inspires un bon coup, et air frais et terne. Tu ne peux pas nier qu'un petit sourire s'est dessiné sur tes lèvres lorsque tu as senti toutes ces petites particules te broyer les poumons, contrastant fortement avec l'état d'esprit que tu arbores actuellement.

─ Arrête ça, s'il te plaît.

Instinctivement, tu hurles et tu sens ton cri vibrer à travers ton corps tout entier. Tu te retournes comme un robot en fractionnant chacun de tes mouvements et tu tombes à genoux sur le béton, le souffle court. Tes mains tremblent et tu les passes sur ton visage ainsi que tes jambes, histoire d'être sûr que tu es encore vivant. Tu ne perçois plus que les battements de ton cœur et les pas de cette voix qui sonnait ferme et dérisoire. Cette voix te reluquait de la tête aux pieds et dans son élan, elle te prenait par le bras, t'entourant alors. Tu avais vaguement l'impression d'être... prisonnier.

Son visage te paraît flou. Un flot de sentiments désagréables te brûlent la gorge, tandis que tes yeux se retrouvent tapissés d'un énorme voile vaporeux.

─ Il semblerait que tu enfreignes délibérément les lois d'Okeanos, petit.

Est-ce qu'il est maso ? Ou tout simplement idiot ? Si toi-même, tu as conscience de ta condition et que tu ne t'en plains pas, pourquoi chercherait-il à entrer en contact avec toi ? Il est idiot, oui.

Tu ne pensais pas qu'il irait à un tel niveau de bêtise. Et tu mentirais en disant que tu n'es pas déstabilisé. D'un geste d'une nonchalance sans égale, tu te retires de son emprise. Le silence tombe lourdement, et tu en profites pour asséner ces quelques mots :

─ Je ne suis pas petit.

Tu sors de la tour sans refermer la porte derrière toi.

Il a fait voler en éclats la cage de verre qui te retenait captif de cette vie trop pleine de géhenne, de peurs. Sa main posée sur ton bras t'a ramené à la réalité. Les larmes de ton cœur ont cessées.