Un jour, Sélène aura une histoire. Et elle marquera l'Histoire.
En attendant, elle se contente d'être l’aînée d'une fratrie de trois enfants.
Ses vingt-six années de vie n'ont été jusqu'ici consacrée qu'a son besoin presque maladif de créer et d'imaginer ; enfant elle dessinait sur tout et n'importe quoi, des schémas de choses sans queue ni tête et elle criait gaiement à qui voulait l'entendre qu'elle serait une « inventereuse ».

Sélène a toujours été en marge de ses petits frères ; même s'ils se sont soutenus chaque jour, ça n'a jamais été qu'en silence et avec beaucoup de retenu. Alors que Seth et Phoebus jouait à se battre, qu'ils coloriaient les murs et piquait des crises, Sélène était sage, un peu ailleurs, une enfant romantique à l'imagination débordante.
Elle crée des choses en pâte à modeler, en trombones, en tout ce qui lui passe sous les mains pendant que ses frères l'observent d'un œil rond.

Papa et Maman ne sont pas souvent là, le travail est le fautif, ou peut-être est-ce parce qu'ils ne souhaitaient pas tant d'enfants. Sélène n'y fait pas attention, elle a l'impression de ne pas avoir besoin d'amour. Et pourtant, le vide est réel, immense et sans fond, et il lui faudra peut-être tout le reste de sa vie pour le remplir.

Avec autre chose que ses conceptions, ses prototypes et ses créations.
Sélène a fait des études linéaires, toujours brillante. Elle est sortie, s'est amusée puis petit à petit, elle a réduit ses contact avec les autres au strict minimum. Et même s'il lui arrive encore de sortir, elle ne se souvient pas souvent des ces fêtes où l'alcool devient sa Némésis et son meilleur ami, elle oublie.

Sélène est quelqu'un comme tout le monde finalement, elle est unique.
Elle est unique en son genre, multiple parmi les autres. Sélène est une invention de génie, mal achevée par son quart de siècle vécu sur la planète.
Elle est des ces gens qui, arrivé à un tournant de leurs vies, peuvent soient sombrer dans des abysses terriblement sombres, soient s'élever et briller dans leur société. Elle est de ces êtres sensibles, artistes dans leurs arts, qui succombent aux addictions avec ferveur et de ces êtres pragmatiques, qui dissèquent le monde d'un regard neutre.
Elle est à cette limite ténue qui sépare folie et génie.

Sélène est à peine plus qu'un être humain.