Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Sam 13 Juin - 19:36

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Dim 14 Juin - 0:48

Comme d’habitude, Yali était accoudé à la balustrade de sa chambre. Il faisait beau. Le soleil brillait, une brise fraîche soufflet, créant quelques ondulations sur la surface du lac. Ou peut-être étaient-se les poissons le peuplant qui, à la recherche d’un insecte à gober, troublaient la surface de l’eau. Si tant est qu'ils existèrent. Peu importait. L’artiste ne s’en souciait guère. Elle se contentait de tirer sur sa pipe, une pipe en os taillé dont la tête représentée la partie supérieure d’une femme, tout en observant le jeu de lumière sur Purita. Yali s’étonnait toujours de ce spectacle, alors qu’elle savait vivre enterrée sous la terre, à des mètres de la lumière du soleil.  Des volutes de fumée s’échappaient paresseusement du coin de ses lèvres. Ses longs cheveux, d’un rose passé, tombaient librement sur ses épaules et balayaient le bas de son dos. L’artisane profitait de son temps libre. Elle avait terminé une nouvelle pièce à l’aube : un yukata lilas, orné de papillons cobalts et dorés prenant leur envole. Arriver à créer les pigments adéquats avait été plus compliqués que prévus, mais le jeu en valait la chandelle. Yali s’était couchée satisfaite, contente de son travail. Il ne faisait aucun doute que le tailleur qui lui avait commandé cette pièce allait jubiler en voyant le résultat. Il s’était montré grincheux en découvrant les prix pratiqués par la teinturière, mais ça ne faisait aucun doute qu’il allait devenir un client régulier. Sinon, cela signifierait qu’il n’est qu’un rustre qui est incapable de discerner le travail de qualité du travail médiocre.

L’artisane lassait son regard aller d’un éclat à un autre tout en se demandait comment elle pourrait traduire ce jeu de lumière dans ses peintures. Du noir extrait de charbons pour représenter les eaux nocturnes, et du blanc mêlée à des éclats d’argent pour le reflet de la lune ? Peut-être bien… Il lui faudrait demander à sa famille qu’il lui procure un tel métal pour ses expérimentations. Avec de la chance, ils lui feront. Au pire, elle paierait au prix fort, mais l’argent irait dans sa famille plutôt que dans la poche d’un parfait inconnu. C’était toujours mieux que rien. D’un geste distrait, Yali fit glisser l’une de ses mèches derrière son oreille. Elle ne s’était lavée et vêtue que peu de temps avant. Peut-être un quart d’heure. Elle sentait encore quelques gouttelettes roulées doucement de sa nuque jusqu’au bas de ses reins, humidifiant sa tenue étonnamment simple. Yali s’était glissé dans une kimono des plus simples, d’un bleu nuit terriblement profond et pourtant si simple, mal fermé et qui laissait voir le naissance de sa poitrine. Peut-être était-ce l’effet de la soie, tissu si léger et si fluide, ondulant au moindre de ses mouvements. Oui, si elle devait représenter Purita on n’importe quelle autre eau, elle le ferait sur de la soie. Yali prit cette décision en observant le mouvement du tissu et ses reflets. L’eau n’aura d’autre super que la soie. Comme l’air se marie avec le lin ou, peut-être le coton. Ou plutôt la mousseline. Bref, en un mot : Yali se perdait en fantasme portant sur du tissu, des motifs, et des pigments…

Jusqu’à ce qu’elle entende un drôle de bruit qui n’avait rien à voir avec la faune locale. Non, il s’agissait plus d’un petit bruit irrégulier, ténu, presque hésitant. Quelqu’un serait venu chez elle ? U nouveau client ? Pour une veste, un aodai, un qipao, un tatouage ? Qui sait… Mais le bruit restait léger. Peut-être était-ce un animal, ce qui serait un mauvais présage. Pas question de laisser une vermine ravager ses œuvres d’art. Yali poussa un soupir tout en décroisant ses jambes. Une main sur la cuisse, l’autre tenant sa pipe, elle se leva en soupirant. D’un pas lent, presque silencieux, elle foula le sol de ses pieds nus et descendu les escaliers. Sur le chemin, elle récupéra quelques outils qu’elle utilisait pour créer des tatouages : de longs manches en bois, d’une vingtaine de centimètre, fichus d’aiguilles. Elles pourraient toujours lui servir pour se défendre au cas où un intrus malintentionné se serait introduit dans son atelier. Et dans tous les cas, elle devait les aseptiser.

Ses bracelets, nombreux, tintèrent légèrement alors que sa main frôlait la rambarde. Discrètement, la maîtresse des lieux arriva dans sa boutique, les aiguilles à la main. Et que vit-elle, à la place d’une bête sauvage ou d’un voleur ? Une enfant. Une enfant ! Que faisait-elle ici ? Yali embrassa la boutique du regard et ne vit… personne. Aucun adulte. Qu’est-ce que cette petite faisait là, toute seule ? Peut-être avait-elle une commande à lui passer ?  La tatoueuse resta silencieuse, à son habitude, attendant que la jeune fille se rende compte de sa présence. Et quelle tête l’enfant ne tira pas lorsqu’elle la vit ! Yali tenait, entre ses doigts, à la naissance de ses phalanges, prêtes à attaque, entre deux et trois aiguilles à tatouage tenues entre ses doigts serrés pour faire des poings. Oui, comme si elle avait des griffes… Un peu beaucoup à la Wolverine… Les sourcils froncés, l’air clairement dubitatif, la maîtresse des lieux fit un geste du menton en direction de la fillette, l’air de demander ce qu’elle faisait là toute seule. Les enfants, avec leurs sales pattes pleines de terre et d’autre saleté n’étaient pas vraiment les bienvenus par ici. Et encore moins lorsqu’ils n’étaient pas accompagnés par un tuteur capable d’aligner les pièces d’or…

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Dim 14 Juin - 10:05

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Dim 14 Juin - 14:49

Qu’est-ce que faisait cette mioche là, sérieusement… En tout cas, il était flagrant qu’elle n’était pas du coin. Une gamine, haute comme trois pommes, qui fixait Yali de ses yeux bleus grands ouverts avant de s’écrouler par terre en poussant un petit couinement de souri. Et la fillette, qui reste au sol avec sa bouche grande ouverte et un air terrorisé collé au visage… Non vraiment, elle ne devait pas être de Démétrio. Ni-même d’Earthea. Les enfants du coin ne se laisseraient jamais intimider par une simple femme, quand bien même serait-elle armée. Alors une teinturière qui tenait des bouts de bois fichus de quelques malheureuses aiguilles ! La petite fille devait venir de la surface, là où les enfants sont un peu moins laissés à eux-mêmes et apprennent moins rapidement à se débrouiller. Là où ils sont un peu plus niais et un peu plus mous. Parce que, concrètement, cette petite souri bleue n’avait pas l’air particulièrement vive d’esprit.
C’était quoi, cette histoire de manger ? Comme si Yali avait déjà dévoré des êtres humains, aussi petits et énervants puissent-ils être ! Elle n’était pas l’un de ces monstres dont l’on raconte les histoires au moment de coucher les enfants. Elle n’était ni une sorcière, ni une ogresse. Et à ce moment précis, elle sentit une vague de désolation en voyant la tête que sa petite intruse tirait. La tatoueuse posa ses aiguilles sur le comptoir. Elle poussa un soupir et se massa du bout de l’index et du majeur l’espace entre ses sourcils qu’elle ne pouvait s’empêcher de froncer. Elle s’accouda sur la table devant elle, son menton reposant sur son poing fermé, tout en écoutant les délires de la petite. Yali n’avait mangé personne, et c’était bel et ben elle, la véritable propriétaire de cette magnifique bâtisse sur pilotis ! Clairement, être prise pour un monstre anthropophage l’avait quelque peu vexé… Aussi eût-elle une merveilleuse idée tout en observant la petite roulée en boule devant elle.

La teinturière attrapa un papier sur lequel elle griffonna « Où est ton père ? ». Aussi silencieusement que possible, elle prit sa pipe et utilisa une petite braise pour la rallumer. La boutique était aussi silencieuse que possible. On entendait juste le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles secoués par la brise légère, quelques tintements produits par les bijoux de Yali et, si on tendait bien l’oreille, le tabac se consumant. La tatoueuse inspira profondément, remplissant ses poumons de fumée, alors qu’elle se dirigea d’un pas léger vers l’enfant au bord de la crise de panique. Elle s’agenouilla tout près d’elle, et lui tapota doucement sur l’épaule pour qu’elle tourne son visage vers le sien, étonnement près. Lorsque ses yeux bleus se fichèrent dans les siens, bordeaux ou un éclat rouge vif mesquin dansait, Yali dévoila un sourire carnassier. Ses babines retroussées, ses mâchoires légèrement entrouvertes, la maîtresse des lieux prenait un malin plaisir à terminer de terrifier la gamine en prenant la pose du monstre dévoreur d’enfant qu’elle n’était pas. Et au lieu de la gober toute crue, elle se contenta de lui cracher un épais nuage de fumée au visage.

Contente d’elle et fière de sa bêtise, les épaules étaient secouées d’un rire silencieux tandis que son sourire de prédateur s’était transformé en un sourire moqueur. Yali observa la petite souri bleue se débattre dans son nuage de fumée, s’attendait à la voir pleurer et se plaindre de plus belle. Mais à raison cette fois. Amusée, elle attira son attention en lui donnant un petit coup du bout du pied, n’ayant pas vraiment envie de s’agenouiller à nouveau. Elle lui brandit le morceau de papier sur lequel elle avait écrit quelques minutes auparavant. Ses traits s’étaient radoucis. Ce n’était qu’une gamine perdue après tout, rentrée par hasard dans sa boutique et avec un brin d’imagination en trop.

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Dim 14 Juin - 16:53

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Lun 15 Juin - 16:27

Elle haussa un sourcil. Dehors, un peu plus loin ? Ce n’était pas vraiment une réponse ça. Yali inspira tranquillement, le bec de sa pipe reposant entre ses lèvres entrouvertes, puis désigna la porte d’entrée de l’embout de l’instrument. D’un geste du menton, elle essayait de faire comprendre qu’elle voulait un peu plus d’information quant à la position du géniteur. Car concrètement, le « un peu plus loin » pouvait signifier à 10 mètres de la boutique, comme de l’autre côté du lac Purita ou encore dans les environs de Démétrio. Enfin, peut-être pas les abords de la ville. Après tout, la petite n’étant clairement pas une habitante d’Earthea, et il serait logique qu’il en soit de même pour son père. Aussi, il y avait peu de chance que l’homme irresponsable qui laissait sa gamine empotée se balader seule dans une ville inconnue, sache emprunter les parcours d’accrobranche. Et quand bien même aurait-il été initié aux sauts entre les arbres, il n’aurait strictement aucune idée du chemin à emprunter pour venir ici en un temps suffisamment court pour donner l’impression qu’il était juste « un peu plus loin ». Ah, ces mioches, pas foutus de donner des informations correctes… Et Yali qui était à moitié désespéré en se demandant ce qu’il se passerait si jamais la gamine se met à chialer en allant se cacher parmi ses commandes et foutrait de la morve ou quelque chose sur ses précieux vêtements avant que son tuteur légal ne s’aperçoive de sa disparition et ne vienne la chercher. Peut-être valait-il mieux qu’elle la mette tout de suite à la porte. Ou peut-être devrait-elle la balancer dans le lac, directement. En la faisant passer par la rambarde à l’étage. Ce serait amusant à voir et puis ça lui donnerait une bonne leçon : ne pas rentrer chez les inconnus quand on n’est pas capable de se débrouiller seul. Oui non, à la réflexion ce n’était pas une si bonne idée. D’autant plus que… C’était une petite fille. Et comme toutes les petites filles, elle devaient aimer les jolies choses. Avec un peu de chance, son gentil papounet d’amour serait d’accord pour lui offrir un petit souvenir de leur voyage à Démétrio sous la forme d’une robe ou quelque chose. Bien que la teinturière traitait principalement des commandes passés par des tailleurs, il lui arrivait régulièrement d’acheter des vêtements déjà assemblés aux couturiers de la ville pour les peindre librement, suivant ses envies et ses humeurs. Ces pièces étaient ensuite mises en exposition dans sa boutique.

- Vous n’êtes pas un monstre hein ?

Yali roula des yeux avant de darder un regard blasé sur la petite. D’un geste souple du poignet elle fit glisser sa main droite ouverte, son pouce pointant à sa droite et ses autres doigts tournés vers la gauche, de haut en bas devant son visage. Avait-elle l’air d’un monstre peut-être ? N’importe quoi ! La tatoueuse poussa un soupir en secouant sa tête de gauche à droit. Sa consternation se lisait dans ses traits, et il était clair que Yali ne faisait rien pour cacher ce qu’elle ressentait. Cette enfant était définitivement idiote. Les monstres sont beaucoup plus grands, plus gros qu’elle. Avec des crocs affutés, des griffes acérées, des membres puissants, de petits yeux jaunes vicieux… Alors qu’elle n’était rien d’autre qu’une femme s’avançant lentement vers l’âge mûr, avec une santé délicate pour une démétrienne, et qui était des plus silencieuses qui plus est. Yali ne ressemblait définitivement pas à un monstre. Ou sinon, c’est que l’enfant et la teinturière n’avait pas la même définition du mot « monstre ».   Une idée lui vint soudainement. En temps normal, elle n’aurait jamais fait ça mais…

- EvidEmment… que jE ne suis pas… un mOnstre, petite idiote… Est-ce que j’ai… l’AIr…

Une quinte de toux lui secoua les côtes.

- D’en ÊtRe un ?

Yali ne put s’empêcher de grimacer. Cela faisait un petit bout de temps qu’elle n’avait pas utilisé ses cordes vocales. Les faire vibrer lui faisait un mal de chien, comme si quelque chose se déchirait au fond de sa gorge. Comme si de minuscules grains de sables s’étaient faufilés dans son larynx et s’étaient transformer en griffes d’acier se plantant dans les parois de sa gorge le moment où le son naissant s’échappait de ses lèvres. Bon, la douleur n’était peut-être pas aussi vive ni forte. Mais pourtant c’était l’impression qu’elle avait. Peut-être son complexe lui jouait-il des tours, rajoutant une douleur fantôme à la douleur réelle qu’elle éprouvait. Toutefois, elle adressa à nouveau un sourire mesquin à l’enfant, rare personne a l’avoir entendu parler de son plein gré.

Mais cette décision n’était pas innocente. Yali avant décidé de jouer encore un peu avec sa petite visiteuse. Surtout qu’elle ne risquait pas de la croiser de sitôt, celle-là. Aussi, avait-elle ravalé sa fierté quelques instants pour lui jouer un dernier tour. Cette voix horrible, cassée, trop grave, déraillée, encore plus inélégante que le croassement d’un corbeau en pleine agonie et encore plus pathétique que le miaulement désespérée d’un chaton mourant de faim… Cet ignoble gargarisme qui prenait sa source au fond de son être… Celui-là même qu’elle abhorrait et qui lui rappelait à quel point elle était fragile, comme un stigmate qu’elle porterait secrètement ; il créait le parfait contraste avec son apparence féminine et élégante. De quoi secouer la petite un bon coup. Surtout que Yali transformait doucement mais sûrement son sourire mesquin en un sourire de prédateur…

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Mer 17 Juin - 21:14

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Jeu 18 Juin - 17:23

Yali passait de sourire mesquin à sourire prédateur. Puis à plus de sourire du tout. Elle porta sa pipe à ses lèvres et inspira doucement, juste ce qu’il fallait pour faire rougeoyer le tabac. Ça ne s’était pas du tout passé comme elle l’avait imaginé. La petite n’avait pas hurlé. Elle n’avait pas paniqué. Elle ne s’était pas mise à pleurer. Elle avait juste sursauté. Voilà, elle avait été surprise une demi-seconde et puis elle s’était reprise. Et le pire dans tout ça était que la gamine s’inquiétait pour elle. Est-ce qu’elle va bien ? Est-ce qu’elle a mal à la gorge ? Est-ce qu’elle est malade ? Et gnagnagna et gnagnagna et regarde comme je suis une gentille petite fille bien élevée qui m’occupe des autres et patati et patata…. Oui, bon, la fillette ne faisait pas exprès d’irriter Yali, mais le résultat était le même. Ou plus exactement, la tatoueuse polyvalente était déçue que sa farce n’ait pas eu le résultat escompté. Franchement, voir un microbe s’inquiéter de son état de santé… C’était pathétique.

Dépitée, elle alla s’appuyer contre son comptoir, au fond de la pièce. Ces gestes, malgré son agacement, restaient souples et fluides. Le bruit de ses pas était à peine étouffé alors qu’elle foulait le parquet de ses pieds nus. Même s’il était vrai qu’elle ne faisait pas parti des chasseurs et n’avait pas vraiment l’occasion de s’exercer physiquement, Yali possédait toutefois l’agilité propres aux habitants d’Earthea et qui caractérisait leur façon de se mouvoir.  L’air blasé, ou plutôt le visage dénué de toute expression, elle regardait la chiourme. Elle la voyait bien, là, plantée au milieu de sa boutique, à tourner la tête dans tous les sens. Miss Fouine avait le nez en l’air, fixant les différentes décorations appliquées aux murs. Un tableau d’oiseaux prenant leur envole depuis une branche de magnolia, en ombres chinoises. Un serpent sinuant entre les poutres du plafond, caché aux milieux de lotus. Une représentation de son Dieu, sertie de pierre précieuse et recouverte par endroits de feuilles d’or. Et à tout ça, il fallait rajouter les vêtements aux couleurs tantôt vibrantes, tantôt profondes. Les tissus satinés lançaient quelques reflets alors que d’autres, plus lourd, semblaient absorber la lumière. Et si les tenues destinées à la vente étaient soigneusement rangés, soit suspendus à une longue barre en bois, soit pliés sur une étagère ; les modèles destinés uniquement à l’exposition étaient de véritables œuvres d’art. Il n’était pas étonnant que sa petite non-invitée ne sache pas où donner la tête au milieu de tout ça.

Yali écouta l’enfant présentée ses excuses sans réagir. Au moins, elle avait conscience qu’elle n’avait pas été polie. C’était une bonne chose. La teinturière se dérida finalement lorsque la petite la qualifia de « bien trop jolie pour être un monstre »… Il en fallait peu, pour que Yali retrouve la sourire. C’est d’ailleurs un sourire chaleureux qu’elle termina par à adresser à la naine pas si mal  élevée que ça. Par contre, pour son côté pas très débrouillarde… là, il en faudrait plus pour qu’elle revoie son jugement à ce sujet. Parce que sérieusement, imaginer que sa maison flotte ou vole ! Et les licornes qui pètent des papillons, chient des arc-en-ciel et vomissent des sucreries existent peut-être ?! Il faudrait qu’un jour quelqu’un explique à Mini-pouce à ouvrir ses yeux et faire un peu attention à ce qui l’entoure. Ave juste un peu d’observation, elle aurait découvert que cette bâtisse reposait sur d’épaisses poutres enfoncées dans les profondeurs du lac. Yali attrapa un morceau de papier et commença à y écrire « c’est une maison sur pilotis. » Puis elle eut comme un doute : est-ce que le microbe bleu saurait ce que veut dire pilotis ? Arrivera-t-il même à lire ce mot ? Yali soupira, et fit un schéma rapide de la façon dont était construite sa maison. Un sourire calme aux lèvres,  peut-être un tout petit peu plus sincère que ceux qu’elle montrait à ses clients et autres personnes qu’elle ne connaissait que de vue, elle tendit le papier à l’enfant. Bon, et son père alors, il allait venir la chercher quand ? C’est que, ce n’était pas une garderie ici ! D’ailleurs, avec qui son père discutait-il ? La maîtresse des lieux attrapa un autre bout de papier sur lequel avait été dessinés des motifs insatisfaisants, et elle écrivit « Ton père parle avec qui ? Et qui est-il ? Quel est ton nom ? ».

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Lun 22 Juin - 16:36

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Ven 26 Juin - 0:23

Hélix Sitarä…. Le nom de Sitarä disait vaguement quelque-chose à Yali. Elle l’avait déjà entendu quelque part. Un touriste ? Un marchand ? Un repris de justice en fuite dont on l’aurait mise en garde ? Un ancien d’Earthea qui aurait opté pour la vie de Nomade durant sa jeunesse et dont le départ plus ou moins secret, plus ou moins précipité, aurait engendré toutes sortes de rumeur ? Ou peut-être quelqu’un avec un statut particulier. Ah, la petite venait de lever le voile : Sitarä père était le chef des Nomades. Drôle de tribu  qu’était celle-là. En perpétuel mouvement, dispatchée aux quatre coins de l’Atlas, toujours à la recherche de textes anciens à déchiffrer et de ruines à explorer… Pas étonnant qu’il soit occupé à parlementer avec un groupe « d’exploreurs », comme disait la gamine, pour décider de quand mener leur prochaine opération ! Ils devaient être totalement obnubilés par leur conversation et l’enfant, qui ne devait pas comprendre la moitié de ce que les adultes racontaient, avait dû échapper très facilement à leur surveillance. Voilà donc toute l’histoire. Et avec un peu de chance, personne ne s’était aperçu de sa disparition. Ou peut-être que son père avait remarqué son absence mais la laissait se promener librement. Après tout ils n’étaient pas perdus au milieu d’une forêt remplie de créatures hostiles aux êtres humains, et il y avait peu de chance qu’il arrive quoique ce soit à la petite Hélix. Ce n’était pas les locaux qui allaient s’en prendre à une gamine se baladant dans les rues de Démétrio. La marmaille lâchée en totale liberté dans les artères de la capitale et livrée à elle-même n’avait rien d’inhabituelle. Bien au contraire, c’était ce qu’il y avait de plus normal par ici. Earthea n’était-elle pas la nation des débrouillards ?

      - Et hum est-ce que c’est un magasin ? Votre magasin ? Et vous vendez des vêtements et des … peintures ? Et est-ce que vous avez des robes à ma taille ? J’adore vos vêtements !

Yali eut à nouveau un petit sourire en coin. Voilà qu’Hélix, en véritable petite fille toute mignonne et toute coquette, s’était entichée  des œuvres de la teinturière. D’un autre côté, on ne vendait pas n’importe quoi ici. Il s’agissait de produits de luxe, de vêtements raffinés, décorés avec goût et élégance en utilisant les meilleurs pigments que l’on pouvait trouver dans tout Earthea. Oui, Yali était très fière de son travail… La maîtresse des lieux reprit son éternel bout de papier et y jeta quelque mots avant de l’agiter à nouveau sous le nez de la fillette. « Je fais bien des « peintures », mais je ne suis pas sûre que ton père serait très heureux que tu repartes avec l’un d’entre elles… » Yali fit un clin d’œil à Hélix tout en lui désignant les aiguilles à tatouages du doigt. Il était bien évidemment hors de question que la tatoueuse fasse pénétrée son encre dans les chaires de l’enfant. Tatouer n’était pas un jeu. Cela comportait des risques et de la souffrance pour ceux qui passaient entre ses mains. Elle, elle devait se concentrer des heures durant, contrôlant le moindre de ses gestes. Elle n’avait le droit qu’à un essai : le premier coup devait être le bon. Yali ne pouvait pas tout à fait arracher la peau de son sujet si elle se ratait ou était mécontente de son travail de façon général. Et le tatoué portera son œuvre imparfaite le restant de ses jours. Oui, tatouer n’était définitivement pas une mince affaire, pour l’un comme pour l’autre. Conclusion : Hélix reviendra la voir dans une dizaine d’années si elle souhaite l’une de ses peintures vivantes.

Yali n’attendit pas de voir si la fillette avait compris à quoi servaient les aiguilles. Peut-être ne savait-elle même pas comment étaient réalisés les tatouages après tout. La teinturière se décolla du comptoir et se dirigea vers l’une des étagères où étaient soigneusement pliées des tenues aux couleurs chaleureuses. Elle en retira quatre, sans la moindre hésitation. Un furosude, un kimono à manches longues, dont le blanc pur prenait une teinte rosée au fur et à mesure que l’on descendait, jusqu’à devenir incarnat en-dessous des genoux. Un qipao se terminant aux bas des cuisses, fendu sur les côtés pour permettre des mouvements amples malgré le fait que ce soit un vêtement près du corps. Le tissu était d’un vert émeraude clair, rappelant le printemps, parsemé de petite fleurs couleur pêche dont les pétales danseraient dans des vents traçant des fines lignes dorées. Un aodai à la tunique bleu ciel avec un colibri multicolore juste au-dessus du cœur surveillant la surface d’un lac bleu nuit flottant sur la jambe gauche de celle qui la portera ; assorti à un pantalon fluide de la même couleur que l’eau.  Enfin, un yukata parme sur lequel nageait des poissons aux couleurs de l’arc-en-ciel. Elle les déplia rapidement et l’un après l’autre, les tint au bout de son bras devant la fillette, jaugeant si la taille convenait. Les quatre tenues au bras, elle poussa l’enfant vers le coin de la salle, vers le fond, où un rideau était tiré afin d’assurer un minimum d’intimité aux clients lorsqu’ils se changeaient. Et une séance d’essayage, une !

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Sam 27 Juin - 12:09

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Lun 6 Juil - 15:40

Yali joua du tasse-braise, enlevant le surplus de cendres qui s'était accumulé dans son foyer et entretenant ce qu'il restait du tabac à fumer. Le temps que la petite se déshabille et choisisse quoi enfiler lui donnait l'opportunité d'entretenir sa pipe à loisir. Elle l'avait encore à la main, venant juste de reposer l'instrument servant à l'entretien de son brûle-gueule comme certains anciens l'appelaient. C'est avec un délice non feint qu'elle regarda Hélix tourner sur elle-même tout en riant. Il ne faisait aucun doute que l'enfant adorait ce vêtement qui, d'ailleurs, lui allait comme un gant. Un peu plus et on aurait pu croire qu'il avait été conçu pour elle. Yali trouvait cela particulièrement plaisant : la petite portait à merveille cette robe qu'elle aimait déjà. Quoi de plus agréable que de voir son travail être reconnu d'une façon ou d'une autre ? L'artisane était plus que satisfaite de voir la puce tournoyer en riant, avant de dire avec une franchise désarçonnante qu'elle trouvait les robes magnifiques. Au moins, la teinturière pouvait être sûre d'une chose : Hélix ne lui servait pas des flatteries creuses dans l'espoir d'avoir un rabais. Elle était sincère dans ses compliments, ce dont Yali pouvait douter lorsqu'il s'agissait de certains autres de ses clients.

La femme aux cheveux roses acquiesça de la tête lorsque la petite lui demanda son aide pour enfiler les autres robes. Elle aurait dû se douter qu'Hélix éprouverait des difficultés à mettre le kimono et le yukata. Certain démétriens eux-même avaient du mal à les attacher correctement, alors une enfant peu habituée à des vêtements de ce type... C'était claire qu'elle n'y arriverait pas seule ! Yali posa sa pipe sur un galet noir taillé en des motifs complexes puis s'approcha de l'enfant. Elle lui donna une tape légère dans le dos avant d'aller dans la cabine d'essayage rudimentaire. Elle se saisit du yukata, fait d'un tissu en coton léger, qu'elle secoua légèrement dans les airs, comme pour chasser les derniers fax-plis. Elle attendit que la petite se déshabille pour ensuite lui faire enfiler le vêtement. Agenouillée devant elle de sorte à être à la même hauteur qu'Hélix, la teinturière commença par rabattre le pan gauche de la pièce, puis le droit par dessus. Elle se servit d'une bande de tissu assortie qu'elle serra juste en-dessous de sa poitrine encore inexistante, afin de refermer ce vêtement d'été. Elle arrangea le col, s'assurant qu'il soit bien droit et qu'aucun pli ne l'entache. Par-dessus le obi, elle fit passer une cordelette tressée qu'elle noua à son tour. Et voilà, plus qu'à continuer le défilé. Yali se releva, jaugeant l'enfant d'un œil d'expert, avant de hocher brièvement le tête et de l'encourager à se regarder dans le miroir et à faire quelques pas dans la boutique. Qu'elle soit mignonne ne suffisait pas. Il fallait aussi qu'elle puisse se mouvoir sans gêne.

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Mer 8 Juil - 18:31

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le Jeu 16 Juil - 21:01

Yali affichait un sourire indulgent. Certes, la gamine était un peu cruche et très nunuche, mais elle restait mignonne à s’extasier devant le miroir en sautillant de partout. Pas comme ses frères qui, depuis le temps, trouvaient ça tout à fait normal qu’elle leur fournisse leurs habits contre quelques menus services. Oh, il y avait bien encore la petite Roor et Shana, les deux derniers de la petite troupe, qui s’émerveillaient devant quelques tenues ou, plus fréquemment, lui montraient un certain enthousiasme lorsqu’elle les leur donnait. Les deux autres étaient plus blasés, et se permettaient même des réflexions parfois ! Bref, Hélix était rafraichissante une fois qu’on s’était habitué à sa niaiserie.

La teinturière dodelina doucement de la tête, la penchant à droite puis à gauche à un rythme lent, une petite moue aux lèvres. Elle ne faisait pas ça toute seule, non. Des tisserands créaient les tissus. Les couturiers les découpaient puis les unissaient pour donner forme à des vêtements plus ou moins complexes. Yali achetaient de quoi faire ses pigments et colles aux chasseurs, mineurs et botanistes d’Earthea. Et ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle achevait et sublimait robes, hakamas, qipao, tuniques, aodai et autres tenues. Alors non, elle n’était pas seule à œuvrer pour créer des vêtements de haute qualité. L’artisane termina par faire non de la tête, sans pour autant prendre la peine de lui expliquer.

- Hestia … ? Est-ce qu’Hestia vient aussi ici ?

Yali leva un sourcil, surprise d’entendre le nom de sa sauvageonne de cousine sorte de la bouche de cette petite fille pleine de coquetterie. Et pourtant, elle jouait ensemble dans la forêt. Etonnant ! Hestia n’était clairement pas du genre à faire du baby-sitting, elle était très loin d’avoir la fibre maternelle. Sauf peut-être pour le côté « subvenir aux besoins de nourriture » lors de ses parties de chasse interminables. Hélix avait dû la charmer, avec son côté innocent et… marshmallow. Elle avait dû drôlement lui plaire si elle acceptait de l’emmener avec elle dans les forêts et la faisait crapahuter à sa suite. Peut-être que la petite Sitarä n’était pas si empotée que ça au final ! La teinturière hocha la tête, confirmant l’intuition de l’enfant. Oui, c’était bien elle la cousine d’Hestia. C’était bien elle qui s’occupait de remettre en état ses frusques après ses expéditions et raids au fin fond dont ne sait trop quelle forêt. Yali redonna une tape dans le dos d’Hélix tout en se demandant dans quelles circonstances ces deux êtres absolument opposés avaient bien pu se rencontrer et ce qu’elles pouvaient bien faire lorsqu’elles étaient ensemble. Il était temps de passer le kimono maintenant. C’est avec les mêmes mains expertes qui avaient noué le yukata que la tatoueuse changea l’enfant. Des gestes précis, concis, et assurés.

Re: Gentil monstre ✿ Ft Yali écrit le